
L'ochju, ou le mauvais œil, est une croyance ancestrale qui fait partie de la culture et de la tradition corse. Selon cette croyance, certaines personnes peuvent envoyer des forces occultes ou maléfiques par leur regard, volontairement ou non, et provoquer ainsi des malheurs, des maladies ou des malaises chez ceux qui en sont victimes. Pour se protéger de l'ochju, il existe des rituels, des prières et des objets magiques, comme le sel, le corail, les cornes ou les cierges bénis. Ces rituels et ces prières sont appelés "signer l'ochju", et seuls ceux qui ont reçu le don de les pratiquer peuvent le faire. On les nomme les signadori ou les signadore, et ils sont souvent des femmes.
La transmission de ce don se fait de façon très secrète et solennelle, uniquement la nuit de Noël, entre minuit et le lever du jour. C'est à ce moment-là que les signadori peuvent enseigner leur prière et leur méthode à une personne de leur choix, à condition qu'elle soit croyante et qu'elle respecte certaines règles. La prière doit être récitée lentement, pas plus de trois fois, et à voix basse, en se regardant dans les yeux. Si la personne ne retient pas la prière, elle ne pourra plus jamais l'apprendre. La prière est un mélange de mots en corse, en latin et en grec, qui invoque Jésus et quelques saints, et qui a une grande puissance incantatoire. Elle varie selon les régions et les familles, mais elle a toujours le même but : guérir le mal et éloigner les influences néfastes.
La pratique de l'ochju est donc une tradition très ancienne, qui remonte à l'époque pré-chrétienne, mais qui s'est adaptée à la foi catholique. Elle témoigne de la richesse et de la diversité du patrimoine culturel et spirituel de la Corse, et de son lien profond avec la nature et le sacré. L'ochju est plus qu'une superstition, c'est une expression de l'âme corse, qui croit en la force du regard, du verbe et de la prière.